dimanche 29 juin 2008

LE DEBUT DES ANNEES 60


La manufacture d'allumettes, à gauche et au centre, à droite la cité des tellières, notre maison est celle entourée d'un cercle.


Début des années 60, la modernité pointe son nez, l'économie ronfle comme jamais emportée par le miracle des Trente Glorieuses. Chaque matin, les salariés de la fabrique d'allumettes répondent aux sirènes d'embauche mais ce qu'ils ne savent pas c'est que les années sont désormais comptées pour cette grande usine : une ou deux décennies à peine et tout sera terminé pour cette manufacture d'allumettes. En attendant, les cheminées de la "manu" crachent leurs poussières de soufre, au grand dam de maman, car ces saletés tachent le linge étendu sur les fils du jardin.

Le gros poste radio trône toujours dans la cuisine sur la commode, un gros bon poste en bois d'acajou avec des boutons en bakélite et la radio cause toujours dans le poste dont les noms des stations évoquent autant de villes que les étapes du Tour de France : Bratislava, Moscou, Berlin, Langenberg... Dans la radio, on entend des voix nasillardes vibrer en commentant des matchs haletants entre la grande équipe hongroise des années 50 symbolisée par son joueur emblématique Puskas. La voix de Georges Briquet, reconnaissable entre-toutes nous fait vivre les étapes magiques du Tour de France car je l'ai déjà écrit précédemment : mon père s'enflamme chaque été pour cette grande boucle à bicyclette. 

 
Je me souviens d'un dimanche ensoleillé de cet été de l'année 1960. Nous étions réunis entre amis et nous étions à table, l'atmosphère était à la fête : c'était l'assemblée des Tellières et nous mangions dans une arrière salle de café. Donc, bien entendu, tout le monde parlait fort mais, les hommes avaient quand même une oreille tendue vers le poste pour écouter "Radio Tour" quand tout-à-coup, entre la poire et le fromage, on nous a annoncé l'accident terrible survenu à Roger Rivière, leader au classement, dans le col du Perjuret.

Tout le monde était consterné, c'était presque un drame familial, c'était presque comme s'il était tombé dans la soupière. Je me souviens de la tenancière du café, une amie de ma mère, une dame de fort tonnage, elle en était quasiment toute chavirée autant de la nouvelle du dénouement qui venait de se jouer dans les Causses que du rosé d'Anjou.



Dans la descente du col du Perjuret, un dimanche de Juillet 1960, une carrière et une vie s'y brisent.




Plus tard, en famille et surtout entre copains et copines à la plage, on s'est passionné pour le duel mémorable entre Poulidor et Anquetil, la montée en "coude à coude" sur le versant du Puy-de-Dôme en 1964 chacun espérant la victoire de son "poulain" préféré. Nous étions pratiquement en permanence sur la "Route du Tour" avec l'avènement du transistor.

Car si la radio fredonne encore "A la Jamaïque, Jamaïque, Jamaïque, c'est ça qu'est chic" ou encore : "Pour toi, cher ange, Pschitt Orange, Pour moi, garçon, Pschitt citron", un jour, elle devient portative. Plus petit et fonctionnant à piles, le transistor séduit aussitôt car il est maniable et on l'écoute dans sa chambre ou sur la plage à la Dague avec les copains. A partir de 1959, Europe 1 diffuse l'émission des yéyés "Salut les copains", une émission fétiche.



Mon père acheta sa première voiture en 1960 : c'était une aronde P60 !
Mes parents venaient l'un et l'autre d'obtenir le permis de conduire au bout de deux tentatives, ce qui était fort bien car mon père avait déjà 53 ans et ma mère 46. L'aronde est toute en rondeurs et elle est toute bleue. C'est donc tout naturellement que nous partîmes en vacances en 1960 avec l'aronde P60, en camping à Penestin. Nous étions au camping de Pont-Mahé sur la route d'Asserac et nous avions emmené la table de camping cette fois-ci avec les chaises et le petit réchaud à gaz.

L'ambiance y est très conviviale. Mes parents vont à la pêche à pied, ils jouent aux cartes et aux boules avec la famille C..... qui s'est jointe à nous et nous les enfants, nous nous faisons des nouveaux copains et copines parmi les enfants séjournant avec leurs parents. La majorité n'est qu'à 21 ans, il faut suivre les parents mais bah ! si on se fait des copains et des copines...
On sent que les vacanciers ont encore des difficultés car ils sortent à peine des années de redressement mais tout est compensé par une étroite solidarité. Pas de "bobos" ni de "m'as-tu-vu" au camping. La plupart sont des habitués des lieux et d'origine ouvrière et le camping est familial.

Toujours le temps des copains et des yé-yé et Johnny Hallyday chante "Souvenirs, Souvenirs". On entend Richard Anthony avec "Tu parles trop" et "Nouvelle Vague". Les Chaussettes Noires chantent "Be bop a lula". En 1960, j'ai 14 ans, c'est le début de l'adolescence qui sera marquée par cette nouvelle vague "yé-yé". Maman achète un pick-up Teppaz
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On met Richard Anthony ou Dalida sur le Teppaz, le volume à fond. Je tire le bras de plastique vers la droite et le repose sur le sillon. Quand on va au café, on met 100 sous pour écouter le jukebox, on écoute Elvis Presley roucouler "Love me tender" "Love me true" ; ça fait hurler les anciens qui sont accoudés au comptoir mais ces engins qui ressemblent à des Cadillac trônent désormais entre le baby-foot et les tables du bistrot. On écoute la révélation du rock, Paul Anka qui égrène "Diana" "Jambalaya", "Les filles de Paris sont les plus jolies" et autres perles du même tonneau interprétées façon "crooner" énergique.
On veut être dans le coup
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Pendant ce temps, je m'épanouis en classe de 6ème et ne regrette nullement l'école primaire de Sorges. Je tiens toujours la 1ère ou la 2ème place car je suis en concurrence avec une certaine Monique. Peu importe, mes parents sont satisfaits et les disques "vynil" tournent sur le Teppaz.



J'ai le droit d'aller voir les films au cinéma l'Armoric" près de la place Malaquais à Trélazé. Avec ses sièges en bois, la salle accueille les mordus du ciné et la jeunesse de Trélazé. Je me souviens de la foule sur le trottoir pour les films comme "BEN HUR", "LE PONT DE LA RIVIERE KWAI" ou "LES DIX COMMANDEMENTS". Le premier film que j'ai vu ? "Pain, amour et fantaisie" avec Gina Lollobrigida, une comédie qui se déroule dans une petite ville romaine. Avec mon père, je suis allée voir "Bourvil seul dans Paris", une comédie parisienne cette fois qui nous a bien fait rire. 

Mon acteur préfèré ? moi, j'en avais un par décennie. Dans les années 50, Gianni Esposito que j'ai découvert dans le rôle d'un ouvrier agricole dans le très beau film dramatique "Cela s'appelle l'aurore" dont l'action se déroule en Corse. L'adaptation à l'écran a été tirée d'un livre écrit en 1952 par Emmanuel Robles et le titre du livre (et du film), lui-même tiré de la dernière réplique d'Electre de Jean Giraudoux. Gianni Esposito a tourné également dans un film de la Nouvelle vague sorti en 1960 "Paris nous appartient" dont je n'ai gardé aucun souvenir.

Dans les années 60, je l'ai remplacé dans mon cœur par Anthony Perkins avec "Psychose" "Du sang dans le désert" et surtout "Aimez-vous Brahms" d'après le roman de Françoise Sagan. A cette époque, la guimauve colle à l'écran et le public "bonne pâte" va larmoyer aux aventures de la jeune impératrice Sissi interprétée par la candide adolescente Romy Schneider jusqu'à ce qu'elle devienne, par la suite une véritable actrice. Au cinéma, avant le film, passent les actualités PATHÉ, relativement actuelles mais appréciées car la télé vient tout juste d'arriver dans les foyers. Pendant l'entracte, on suce les bonbons kréma ou les esquimaux présentés par les ouvreuses dans des paniers en osier.   





ROMY SCHNEIDER



En classe de 5ème, mon frère me rejoint au collège car pour la première fois les classes sont mixtes dans l'établissement. Je me souviens du prof d'histoire-géo, il s'appelait Monsieur Morne, il portait bien son nom car il était sévère mais juste. Un jour, il eut l'idée d'organiser une sorte de jeu qui portait principalement sur Guillaume le Conquérant. C'était "questions pour un champion" avant l'heure. Mon frère et moi avions répondu exactement à toutes les questions et le prof nous a accordé un 20 à chacun.

J'adorais l'histoire, moins la géo. C'était comme en maths, le prof disait toujours de moi "illustre en géométrie, zéro en algèbre" et ce, malgré des cours dispensés à domicile par un étudiant.

On dit que l'algèbre c'est l'école de la raison et même la rigueur de la pensée, sans doute pour cela qu'elle m'a échappée.

 

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