vendredi 4 juillet 2008

A MES PETITS ENFANTS EMMA, ALEXIS, MATHILDE ET PAULINE

Ce blog a été conçu pour partager mes souvenirs d'enfance avec mes quatre petits enfants.


MON ENFANCE





































A EMMA, ALEXIS, MATHILDE et PAULINE MES PETITS CHERIS











A MES CHERS PETITS EMMA, ALEXIS, MATHILDE ET PAULINE












Sur cette photo, maman et moi nous passions près du Grand Cercle, bâtiment aujourd'hui disparu qui était situé le long du boulevard Foch à Angers et qui rappelait des souvenirs très émouvants à mes parents car ce bâtiment accueillait chaque jour au printemps 1945 les prisonniers de guerre à leur retour d’Allemagne. Mon père y fut donc accueilli à son retour de Rawa-Ruska en Juillet 1945 (il avait été libéré le 20 Mai 1945) et les personnes présentes lui chantèrent la Marseillaise qu'il réentendait enfin.

Un an, à peine, après le retour du prisonnier du Stalag VA matricule n° 29403, j'ai vu le jour à la maternité de l 'Hôpital d'Angers, le lundi de Pâques de l'an 1946. Mon père avait donc été fait prisonnier le 2 Juillet 1940 à Haguenau (Bas-Rhin) puis, interné ensuite dans le camp du Stalag VA à Ludivisbourg, près de Stuttgart où, après deux tentatives d'évasion, il fut finalement renvoyé au camp disciplinaire de Rawa-Ruska.* C'est donc libéré par les Russes qu'il est enfin rentré au foyer en Juillet 1945, très faible, malade.

C'est ce qui explique en partie la raison pour laquelle ma sœur et moi, car nous étions jumelles, sommes arrivées le 22 Avril 1946, de faible constitution. Ma sœur est morte le 29 Avril 1946, soit 7 jours après la naissance. Nous étions condamnées avant de naître et aux dires des personnes qui ont entouré maman pendant cette période dramatique, personne dans cette maternité ne s'accrochait à nos pauvres vies. Ma mère avait beaucoup mis en cause le personnel médical qu'elle jugeait inqualifiable, mais à leur corps défendant, il faut dire qu'il n'y avait pas de couveuse et que cet établissement était démuni de tout après la guerre. Les temps ont changé et celui-ci est maintenant de bon renom, il porte le nom de Maternité Robert Debré.

Ma mère est donc rentrée avec moi, et moi seule, à la maison, mais ses soucis au sujet de ma santé n'étaient pas pour autant terminés. Quand elle évoquait cette période dont elle éprouvait beaucoup de rancœur qu'elle ruminait souvent, elle donnait toujours la référence de mon poids à un mois : 1kg720.

Heureusement, la voisine de maman connaissait une sage-femme à Trélazé qui a eu la bonne idée de me pratiquer une transfusion du sang maternel ce qui m'a sauvée. Mes parents ont d'ailleurs gardé toute leur vie de très bonnes relations avec cette personne qui a présidé à la naissance de mon frère au domicile de mes parents, seize mois après, jour pour jour, le 22 Juillet 1947, en parfaite santé.



* Rawa-Ruska - Wikipédia En mars 1942, les autorités allemandes décidèrent de déporter à Rawa-Ruska, où se trouvait un camp transformé en camp de représailles (stalag n° 325) pour les prisonniers de guerre français qui avaient tenté de s'évader (évadés récidivistes) ou qui refusaient de travailler. Le premier convoi arriva à Rawa-Ruska le 13 Avril 1942. En juin 1942, les prisonniers français et belges étaient environ 10000 et l'on commença à les répartir dans les "sous-camps" créés dans la région ; en janvier 1943, les détenus dans les différents camps étaient au nombre de 24000 dont près de la moitié à Rawa-Ruska même.
Les conditions de vie étaient particulièrement dures en raison du climat d'abord (les températures de - 20° à - 30° étaient fréquentes l'hiver et la chaleur était torride en été), d'une nourriture insuffisante et du travail forcé auquel étaient contraints les prisonniers. A Rawa-Ruska, les robinets d'eau étaient rares et bien insuffisants pour quelques 10000 hommes ce qui devait amener ultérieurement Wiston Churchill à décrire dans un discours le camp de Rawa-Ruska comme celui "de la goutte d'eau et de la mort lente".
Dans une lettre édifiante au Procureur Général du procès de Nuremberg, le chef du camp, le lieutenant-colonel Bork, peu avant son exécution, écrivait ceci : "Rawa-Ruska restera mon oeuvre, j'en revendique hautement la création, et si j'avais eu le temps de la parachever, aucun Français n'en serait sorti vivant. Car je peux bien le dire maintenant que je vais mourir, j'avais reçu des ordres secrets de Himmler d'anéantir tous les terroristes français".
Devant l'avance de l'Armée Rouge, Rawa-Ruska fut abandonné par les prisonniers le 19 Janvier 1943 et ses occupants transférés par les Allemands dans divers camps. Ceux que l'Armée Rouge libéra furent retenus jusqu'à ce qu'ils puissent être rapatriés en France et en Belgique le 2 Juillet 1945.

Rawa Ruska se situe aujourd'hui en Ukraine alors que jusqu'en 1939, cette ville était polonaise. En septembre 1939, la Pologne étant envahie par l'Allemagne, Rawa-Ruska fut annexée par les Russes et en juin 1941, dès le début de l'invasion de l'Union Soviétique par les nazis, elle fut occupée par l'armée allemande. 

Donc, grâce aux soldats de l'Armée Rouge, les prisonniers de guerre français dont mon père qui avaient été détenus dans le camp de représailles de Rawa-Ruska purent regagner leur foyer en Juillet 1945. A son retour, mon père fut admis durant l'été 1945 dans un hôpital qui avait été installé près du camp d'aviation, à la sortie nord d'Angers.




Toute la famille pose devant le Grand Cercle démoli en 1961.







AU 14 DE LA RUE CAMILLE PERDRIAU




Je fis mes premiers pas (comme tout le monde) dans un trotteur au milieu de la cour du 14 rue Camille Perdriau, surveillée par les voisins et ma mère depuis sa fenêtre...


































 
 
 
Nous avons donc passé, mon frère et moi, nos premières années à Sorges, un petit village traversé par l'Authion et dépendant des Ponts de Cé, au 14 de la rue Camille Perdriau qui se situait, en fait, au début de la route de Saumur après le carrefour de la Pyramide à Trélazé, en venant d'Angers. Camille Perdriau (*) : cette rue portait le nom d'un des enfants de Sorges qui fut résistant dès les premières heures de la guerre. Arrêté à Bordeaux en possession d'armes alors qu'il voulait passer en Espagne, il fut ensuite interné au fort du Hâ puis fusillé au camp de Souge. Il n'avait que vingt ans et mon père avec qui il était entré plusieurs fois en discussion avec lui avant-guerre (ils étaient tous deux fendeurs-ardoisiers à Trélazé), m'avait confié, un jour, qu'il avait essayé vainement, devant ses sentiments anti-allemands et son ardeur impétueuse, de calmer sa fougue, fougue de sa jeunesse et toute à son honneur... fallait-il en avoir une somme de courage pour oser dire "non" devant les envahisseurs ! N'a-t-il pas fallu une espérance chevillée au corps pour lui et cette poignée de français qui, dès 1940, ont choisi de poursuivre la lutte contre l'occupant ? 

(*) Régine Desforges parle de Camille Perdriau dans le deuxième volume de sa grande fresque romanesque qui se déroule entre1939 et 1945 et qui avait commencé avec "La bicyclette bleue". Elle en parle en deuxième page du prologue de son roman "101 avenue Henri-Martin" concernant le Fort du Hâ où Camille était incarcéré :

" Dans une autre cellule du rez-de-chaussée, Albert Dupeyron" réconfortait Camille Perdriau qui n'avait que vingt ans. Cela lui évitait de trop penser à sa jeune femme ..." 

Sa mère, Madame Perdriau, fût à l'école ma première "assistante maternelle" et ô combien elle me maternait, moi qui aie commencé l'école à l'âge de deux ans. Elle me faisait manger à l'heure du repas de midi, alors que la cantine n'existait pas encore, une espèce de soupe au chocolat que ma mère me préparait dans une gamelle en fer blanc après l'avoir fait réchauffée au préalable sur le poêle Godin.

Mais, voilà que je m'égare, revenons à nos moutons ou plutôt, revenons au 14 de la rue Camille Perdriau où mes parents logeaient dans deux pièces d'un petit immeuble collectif. C'était une grande maison très laide - peut être restée encore plus hideuse dans ma mémoire enfantine - mais les murs étaient gris, tristes, bref sans aucun cachet. Je revois sans attendrissement, mais néanmoins avec une certaine précision cette maison où mon enfance s'écoula.
 
Nous pénétrions dans cette grande bâtisse austère par deux couloirs totalement indépendants, mais tout aussi austères et qui donnaient sur une cour commune. Nous accédions à notre deux-pièces situé au rez-de-chaussée par un des deux couloirs. Un escalier obscur s'élevait à gauche de notre porte d'entrée pour accéder au 1er étage où se trouvaient deux autres logements en vis-à-vis dont l'un était celui de notre couturière, son mari et son fils. Au deuxième étage se trouvaient les greniers où maman étendait son linge avec celui des autres locataires. 

Dans les logements desservis par l'autre couloir se trouvait au rez-de-chaussée une femme seule à qui ma mère nous confiait parfois lorsqu'elle s'absentait. Madame D... qui habitait donc au rez-de-chaussée était une vieille femme, je la trouvais vieille, mais l'était-elle réellement ? Pour un enfant, l'âge est bien relatif, mais si je ne me souviens plus de son visage, je me souviens de son intérieur, car il y avait des tapis partout. Il y en avait un notamment sous la table et pour protéger le tapis des pieds de table, elle mettait des sous-pieds en verre. C'est en souvenir de cette vieille dame que j'ai acheté, un jour, des sous-pieds en verre dans une brocante.

On entrait alors directement dans notre deux-pièces par la cuisine dont le mobilier était très sobre. La fenêtre de cette pièce donnait sur la cour au fond de laquelle s'alignait la rangée des portes des "cabinets*" ainsi, la vue était-elle sympa... La fenêtre s'ouvrait également sur l'entrée de la porte de la buanderie commune par laquelle nous entendions "Radio Buanderie". Sur le rebord de cette fenêtre comme de celle de Madame D... s'étiolaient des géraniums rabougris. L'unique chambre donnait sur la rue dont la fenêtre était plus vaste donc la pièce mieux éclairée. Maman s'installait souvent le dimanche près de la fenêtre, un tricot sur les genoux, elle regardait le défilé des passants. 

Dans la cour, se trouvait pareillement une petite maisonnette de deux pièces où vivaient un couple de braves gens et leur cinq enfants dont les deux derniers, Jean-Paul et Jacqueline étaient nos compagnons de jeux. En vis-à-vis de notre logement se trouvaient deux pièces où dormaient les quatre garçons de cette famille. Il régnait de ce fait, dans une évidente promiscuité, une certaine communauté une grande solidarité et convivialité. Tel était l'univers de mon enfance : il serait surtout inconfortable pour nos contemporains, mais nous ne nous en apercevions pas et nous étions heureux.



La " fosse" de Sorges.
 
Le bourg de Sorges qui est en fait un hameau des Ponts-de-Cé est situé à un kilomètre de cette rue Camille Perdriau laquelle est en somme plus proche du carrefour de la Pyramide, donc de Trélazé que du bourg des Ponts-de-Cé.

Tour à tour, au fil des siècles, les Ponts-de-Cé, position stratégique sur la Loire, a toujours été le cadre d'affrontements entre Français et anglais, catholiques et protestants puis, après la Révolution, entre vendéens et républicains. Elle a vu bien des malheurs notamment au moment de l'exode en juin 1940. L'épisode le plus dramatique fut lors du passage de l'armée de Charles IX au cours duquel l'un des chefs, pour se débarrasser des filles de mauvaise vie qu'elle traînait à sa suite, fit jeter plus de huit cents d'entre elles dans la Loire où elles se noyèrent.  

 
 Le bourg de Sorges, hameau des Ponts-de-Cé.


Le petit hameau de Sorges a eu une histoire assez riche. En 1579, le temple protestant de la ville d'Angers s'y était installé, mais aujourd'hui, il ne reste plus rien que sa cour dite du "prêche" car ce temple fut détruit lors de la révocation de l'Édit de Nantes. 
 
Parmi d'autres grands moments historiques eurent lieu les combats entre les armées du jeune roi Louis XIII et celle de sa mère Marie de Médicis dans les prés de Sorges en août 1620. Au bout de trois jours, la paix sera négociée par Richelieu aux Ponts de Cé.



Le Bourg de Sorges et la rue se rendant à l'école, au fond celle qui se rend à la Pyramide



En 1661, Louis XIV se rendant de Saumur à Angers s'arrêtera à Sorges pour y dîner dans une ferme-auberge car à cette époque là, la route entre Angers et Saumur passait par Sorges et il fallait un bac pour traverser l'Authion.
A la révolution en 1790, Sorges devient une commune mais un an plus tard revient à la commune de Trélazé et son rattachement définitif à la commune des Ponts-de-Cé revient en 1796. En ce qui concerne la période de ma tendre enfance, je n'en ai pas gardé beaucoup de souvenirs précis sinon des "flash" et à travers ces "flash", je peux dire qu'elle a été heureuse.
* cabinets = toilettes, wc



Mon frère et moi nous posions pour le photographe devant le jardin du mail à ANGERS.








IL FAUT FAIRE DES ECONOMIES


l'AUTHION


Le mot d'ordre à la maison était : "il faut faire des économies !" voilà une expression très souvent entendue. Mais ceci avait son bon côté car mes parents avaient deux jardins dont l'un proche de la maison. On s'y rendait par un chemin étroit qui passait devant la cave que mon père appelait un "cavreau", longeait d'autres parcelles de jardin, puis passait ensuite devant la maison de la propriétaire isolée au milieu de toute cette verdure. Mon père m'avait demandé, un jour, d'aller chercher une paire de ciseaux auprès de ma mère restée à la maison en me recommandant bien de ne pas courir au retour. Moi, bien sûr, sur le chemin du retour, je me suis mise à courir en pensant aux grappes de raisin que mon père allait décrocher et suis tombée sur la paire de ciseaux. Mon père m'a ramenée le genou sanguinolent dans ses bras. J'ai gardé pendant longtemps la marque des ciseaux sur mon genou.



L'autre jardin se trouvait sur la route de Sorges, mon père m'y emmenait dans sa brouette. Aller au jardin en brouette était magique. Se frotter aux choux pleins d'eau avec les perles de rosée qui vous éclaboussaient le visage, c'était un délice. C'était une joie pour moi d'aller au jardin. Je garde sans doute de cette période la passion du jardin.

On n'avait pas besoin d'avoir la fibre "écolo" dans ce temps là ; actuellement c'est très à la mode mais on ne fait que revenir en arrière car nous "on était tombés dedans tout petits". mon père - faute d'avoir l'eau "courante" utilisait les bons vieux arrosoirs en zinc pour aller chercher l'eau du puits qu'il distribuait parcimonieusement dans chaque allée du jardin sur les légumes "qui en avaient besoin !". Des "pesticides" un peu, beaucoup, heu, non pas beaucoup : le peu que lui confiait l'herboriste. Comme engrais, c'était surtout le bon vieux "crottin" de cheval qu'il fallait ramasser sur la route après le passage du "bougonnier" ou d'une carriole. Ca fumait et çà embaumait le couloir en passant ... pas besoin de désodoriser le couloir et pour cause : il n'y avait pas de désodorisant. Donc avec le crottin de cheval, jardinage "bio" c'était un bon fertilisant même il y a 60 ans, composté (jamais frais sur les racines), c'était de l'or pour le jardin. Eh oui, messieurs les écolos : écologie, environnement, développement durable tout cela s'est "développé" bien après.

Les carottes ont besoin d'un bon arrosage : alors un arrosage au lessis (cendre de bois diluée dans de l'eau) c'est très efficace contre les insectes car la cendre de bois contient du potassium que la carotte apprécie tout particulièrement. Je ne me souviens plus du reste...

Le bon vieil adage "il faut faire des économies" n'avait pas bien sûr que du bon car maman utilisait pour faire des confitures (précision : au tout début des années 50) du sucre qui ne devait pas être de bonne qualité - je crois que c'était du "sucre cristallisé" ; bref, il devait aussi cristalliser les confitures : elles n'étaient pas molles, il fallait faire des efforts surhumains pour rentrer la cuiller dans le pot à tel point que la cuiller restait plantée droite debout dans le satané pot de confitures, sans problème.

L'habillement n'échappait pas aux règles de l'économie. On distinguait ceux de tous les jours, d'où l'expression "être en tous les jours" de ceux du dimanche. Au regard des photos, les habits que nous portions, hiver comme été, étaient fort coquets. Maman avait un certain gout de la toilette et, pour l'époque, nous n'avions rien à envier aux enfants de classes sociales plus élevées. Pour aller à l'école, cependant, nous portions un sarrau généralement de couleur claire mais certains écoliers portaient encore le sarrau noir. On portait le capuchon qui faisait partie de l'uniforme de l'écolier : c'était une cape d'une épaisse étoffe noire ou bleue marine. La galoche complétait l'uniforme. Mais cet uniforme a disparu très vite après les années 50 pour laisser place à des vêtements plus coquets en raison de l'évolution de l'économie des ménages, ce qui correspond, pour moi, à peu près à l'époque de mon entrée en sixième (1958). En attendant, j'allais donc avec ma petite voisine que sa mère appelait gentiment Jacotte, à l'école, avec capuchon et galoches.

Nous n'avions pas l'eau courante à la maison et l'on avait toujours recours au puits situé dans la cour voisine de celle de notre habitation, séparée par une vieille palissade en bois. J'accompagnais régulièrement maman ou papa au puits, car cette vision du seau en zing accroché à une grosse chaîne qui heurtait l'eau me fascinait et il fallait beaucoup d'ardeur pour faire tourner les lourdes manivelles qui entraînait le treuil autour duquel s'enroulait la chaîne qui retenait le seau. Je me souviens d'une fois, dans mes premières années, nous avions, maman et moi, récupéré ma chatte Miquette alors qu'elle était dans une position très inconfortable sur la margelle du puits. 


Nous allions chercher du lait frais dans les dépendances d'une très vieille maison bourgeoise située à l'entrée de la route de Saumur et maman en profitait pour ramasser de la luzerne dans le champ qui s'étendait devant l'habitation pour nourrir ses lapins. Le toit de cette maison de style monacal était coiffé d'une petite tourelle ce qui lui donnait un aspect encore plus sévère. Triste était cette vieille bâtisse sans aucun cachet aux volets constamment fermés, mais j'ai l'impression, encore aujourd'hui, que notre univers grisonnait de partout, de la façade de notre maison du 19, rue Camille Perdriau comme sur celle de la maison à la tourelle ou sur l'espace cimenté de la cour jusque sur le pelage des lapins dans les clapiers du jardin. Il faut reconnaître que le pays sortait d'une guerre destructrice et beaucoup de maisons étaient vétustes, délabrées, sans fleurs aux balcons.

 
Seuls les champs plantés de luzerne, les jardins familiaux et les prés parsemés de pâquerettes au printemps appartenaient à un monde enchanteur dans ces fragiles instantanés de ma prime enfance.

Ci-dessous, mon frère et moi devant la fenêtre du petit logement de Mme D......, au fond la palissade en bois séparant notre cour de celle où se trouvait le puits commun.















LES VIEILLES BOUTIQUES DE LA PYRAMIDE



"Au bon vieux temps"

Dans la rue qui s'en va vers Saumur, on y croise des vélos, des charrettes et quelques autos. Au milieu de cette rue, il y avait un café. On entrait dans cet estaminet par des marches qui donnaient dans une grande salle au mobilier très sobre. Au milieu trônait un poêle encadré de tables rustiques sur un sol de vieux parquet. Cet endroit était la halte obligée quand on accompagnait mes grands-parents au "tram" pour qu'ils s'en retournent à Angers prendre le car "Citron" pour Bel-Air-de-Combrée. En effet, à l'embranchement de cette rue Camille Perdriau avec les rues qui viennent d'Angers et celle qui va au bourg de Trélazé existe une place où se trouvait la station du tramway qui allait vers Angers. Cette place porte une pyramide (monument très laid - excusez du peu mais décidément là c'est incontestable) - bref cela ressemblerait parait-il à une pyramide d'où son nom, pyramide érigée par Napoléon III suite à de graves crues de l'Authion et de la Loire. Napoléon III fit construire les levées le long de la Loire entre Saumur et Angers et l'une d'entre-elles porte d'ailleurs le nom de "Levée de Napoléon".
 
Sur cette place s'y côtoyaient les passagers qui attendaient ou descendaient du tramway ainsi que des charrettes, des carrioles et surtout des chevaux car derrière la pyramide il y avait la boutique d'un bourrelier-sellier ainsi qu'un atelier de maréchal-ferrand. La boutique était éclairée d'une fenêtre dont on devait négliger les carreaux mais derrière les vitres on devinait un étalage de pièces diverses de harnais et de toutes sortes de courroies en cuir.



La place de la Pyramide avec la halte du tramway au début du siècle dernier.


Quand je prenais le tramway pour Angers, j'observais la poinçonneuse de tickets qui était aussi un personnage haut en couleurs mais elle n'était pas la "poinçonneuse des Lilas" car elle était sale et le sac en cuir où elle conservait ses billets était aussi crasseux que sa propriétaire.

J'accompagnais aussi ma mère quand elle allait à la succursale des Postes et Télégraphes pour "garnir les livrets". Au début de l'année, nous faisions le même voyage pour "arrêter" les livrets, c'est-à-dire ajouter les intérêts. On entrait dans la salle d'attente à l'aspect monastique, une pièce nue aux murs sombres. Ensuite, on passait devant le bureau du caissier. Je revois ce monsieur derrière son grillage : le type parfait du rond-de-cuir cher à Courteline. Il portait sur le livret le montant de la somme déposée en chiffres et en lettres d'une calligraphie parfaite.

Je me souviens de cette charmante vieille mercière avec sa voix chantante. Elle portait toujours un corsage de couleur noir avec un jabot en dentelle. C'était un plaisir de la voir déballer toute sa marchandise avec une de ces délicatesses... tout sortait des tiroirs comme par enchantement. Il y avait tant de choses à voir et à toucher comme les rubans, les boutons, les dentelles, les patrons, les craies à bâtir, les fils à coudre, à broder, les épingles, les galons, les canevas, les ciseaux... Quand elle conseillait sa clientèle, il fallait l'écouter parler et vanter sa marchandise. Elle s'affairait ainsi au milieu d'un tas de dentelles et de fanfreluches avec son babillage charmant dans une atmosphère de clair-obscur toute imprégnée de son art : cette délicate profession de mercière, un savoir-faire à jamais disparu et tout cela contribuait à créer ce quelque chose d'intemporel dont le souvenir nostalgique ne m'a jamais quitté.

Je me souviens très bien aussi du magasin de l'herboriste où ma mère m'envoyait faire remplir un flacon d'eau de Cologne de Chypre : son parfum préféré. Il y avait des bocaux en verre partout : tout était impeccablement rangé et l'herboriste était quant à lui toujours impeccablement habillé d'une blouse blanche. Dans la vitrine aussi s'alignaient des bocaux d'eau de Cologne en verre de divers parfums : on aurait dit l'arc en ciel. Il y avait dans la boutique des petits sachets de graines de fleurs qu'il transvasait dans des pochons en papier pour sa clientèle. Il y avait aussi les grands sacs en toile de jute dont il sortait le contenu avec sa petite pelle en cuivre. 

Dès que l'on franchissait la porte d'entrée, on était assailli par toutes ces quantités d'effluves de senteurs diverses, mais où perçaient cependant les odeurs d'eau de Cologne au jasmin, au lilas et de Chypre.





NOËLS D'ENFANCE



Comme tous les enfants sages, mon frère et moi avons eu droit à la visite au "Père Noël". Cela devait être en 1952 dans un grand magasin à Angers.  

Je n'ai pas gardé de souvenirs précis des noëls de mon enfance. Le seul fait précis dont je me souviens, je devais avoir 4 ou 5 ans, maman m'avait emmenée à Trélazé pour la venue du Père Noel quelques jours avant la date fatidique du 25 Décembre. Il y faisait froid et j'ai gardé la vision d'une foule agglutinée sur l'espace libre entre la rue Jean-Jaurès et la ruelle descendant vers Malaquais. Si je ne me rappelle pas du tout de ce bonhomme Noël que nous attendions dans le froid vif, je me souviens très bien d'un homme, sortant d'un bar tout proche, venir chercher son vélo qu'il avait déposé le long d'un mur. Il demandant en vociférant d'une voix tonitruante à qui appartenait le pauvre petit vêtement d'enfant qu'une mère avait déposé et sans doute oublié sur le guidon de son vélo. C'est une image qui m'est restée car cet homme qui donnait l'impression d'un bonimenteur de foires contrastait avec la joie qui éclairait les visages des enfants et de leur maman dans l'attente du Père Noël. Le vêtement qu'il tenait à bout de bras ne ressemblait en rien à ceux d'aujourd'hui, à ces jolis vêtements que nous offrons aux mamans en cadeaux de naissance : l'époque n'est plus la même et les modes ont changé.



Toujours par souci d'économie, en effet, noëls d'enfance ne donnaient pas l'occasion de réjouissances exagérées : juste une petite crèche en papier rocher installée sur une commode dans la cuisine, pas de festin familial, d'autant que nous restions toujours seuls, sans famille, sans invité. Les jouets étaient aussi très simples. Pour l'un de ces tout premiers noëls, mon frère et moi avions reçu une poupée en chiffons, rose pour moi, bleu pour lui. Les couleurs traditionnelles de l'univers de l'enfance à cette époque. Pour nos deux poupées, mon père avait confectionné amoureusement un lit en bois sur roulettes peint également en rose pour moi, en bleu pour mon frère. Ensuite, mon frère eut des jouets de garçon (mécano, osselets etc...) et moi, j'ai eu droit à des dinettes, un baigneur que j'avais prénommé Joël et puis ce fut rapidement des "choses utiles".

 

Nous découvrions dans nos galoches une orange puis dans certaines années plus fastes un sabot en chocolat avec un jésus en sucre portant un maillot rose ou bleu. Mes envies étaient souvent des jouets, surtout une auto à pédales pour mon frère et moi mais je savais bien que c'était trop cher pour nous. Les adultes ne peuvent imaginer ce qui marque si fort l'esprit d'un enfant qu'il s'en souviendra toute sa vie tant il est vrai que l'enfant focalise sur de toutes petites choses pour peu qu'il ne s'exprime pas, par timidité ou sous l'effet d'une éducation trop rigide, jamais les adultes ne sauront ce qui trotte dans la tête de leur enfant. Dans la tête d'un enfant, il y a des rêves, des peurs, des envies, des questions. Il y a aussi des frustrations.

Pour en revenir aux fêtes de noël, j'ai pour ma part aperçu la première image tremblante de la télévision un soir de décembre 1956 à travers la vitre d'un magasin de radio. Mon père m'emmenait dans le soir, en guise de réveillon, vers la fin des années 50 (nous étions déjà à Trélazé), regarder à travers la vitrine d'un marchand de radio-télé "Radiola" le téléviseur installé en devanture. Malgré le froid, nous regardions le programme des fêtes avec beaucoup d'intérêt : c'était le cinéma gratuit en miniature ! Nous rentrions grelottants à la maison et je plongeais alors dans mon lit chauffé par la brique que maman avait eu soin de glisser dans mon lit pendant notre sortie nocturne et là, je revoyais, en rêve, le programme de cette soirée de fête. Nous n'étions pas les seuls à regarder la télé sur le trottoir ; certains soirs, il y avait une dizaine de personnes et nous aurions pu réveiller tout le quartier, mais curieusement personne n'y trouvait rien à redire.

Heureusement, en cette période de fête de noël, il y avait de ces moments magiques : c'étaient les représentations données par l'école dans une salle louée à Malaquais pour "l'arbre de noël". Chaque enfant était joliment habillé selon la saynète interprétée, c'étaient des tutus magnifiques de toutes les couleurs, c'étaient des habits de contes de fée... Une année, nous étions tous habillés en tenue folklorique de toutes les provinces de France. Moi j'étais en flamande et mon frère avait revêtu un habit de breton avec un chapeau melon. Ces habits de fête étaient confectionnés avec amour par les mamans qui, beaucoup plus qu'aujourd'hui, restaient à la maison.




C’étaient des tutus magnifiques de toutes les couleurs…















NOS JEUX A LA PYRAMIDE



Promenade hivernale à ANGERS avec Maman.



Je jouais souvent dans la cour de notre logement de la Pyramide avec ma petite voisine Jacotte avec peu de chose car nous n'avions que peu de jouets. A l'époque, nous jouions beaucoup à la balle. Nous lancions la balle contre un mur en la faisant rebondir tout en chantant "En remuant, sans remuer, sans rire, sans parler, d'une main, de l'autre, tapette, moulinette, main devant-derrière et tourbillon" et bien sûr en exécutant tous les gestes dits dans la comptine.

Nous avons dû passer des heures, assises l'une près de l'autre, sur les marches du couloir commun aux habitations, à rire et à goûter aux tartines du "quatre-heures" qui consistaient en des tartines beurrées avec du chocolat râpé parsemé dessus.


J'avais une autre petite voisine dont les parents habitaient de l'autre côté de la rue Camille Perdriau, juste en face de notre immeuble. Les parents de Chantal vivaient sous le même toit que ses grands-parents maternels. Nous jouions quelques fois sur le trottoir sans nous en éloigner car sa grand-mère était très sévère. Son grand-père était un brave homme qui l'accompagnait chaque jour sur le chemin de l'école en bicyclette. Je garderai toujours en mémoire le souvenir d'un vieil homme qui pédalait droit sur son vélo avec à l'avant de celui-ci sur un porte-bagages, toujours le même cageot. Sa petite fille pédalait à ses côtés sur son petit vélo. Je me souviens de cette journée de juin 1955, c'était un vendredi et nous jouions dans la cour de l'école quand elle m'annonça qu'elle ne viendrait pas en classe le lendemain (il faut dire qu'à cette époque-là nous avions classe toute la journée du samedi, les gens ne partant que rarement en "week-end" et par contre nous n'avions pas classe le jeudi, journée qui fut remplacé par le mercredi). 


Mais Chantal n'est pas venue à l'école ni le lendemain, ni les autres jours : je ne l'ai jamais revue. Elle fit partie - ainsi que sa grand-mère - des nombreuses victimes de l'accident tragique de l'édition de 1955 des 24 Heures du Mans.

Maman m'appris très rapidement à aller en vélo à l'école : j'avais eu droit à la suite de je ne sais plus quelle occasion à un vélo rouge avec les sempiternelles sacoches.  

Il faut dire que le vélo maternel qui était - je m'en souviens - de couleur noire avec des pneus énormes comme ceux d'une "mob" et des gardes-boue en alu martelé, était un véritable transport en commun. Maman transportait sur son vélo mon frère assis sur le porte-bagages à l'arrière tandis que moi avant d'acquérir ma bécane, j'étais assise à l'avant de son vélo sur un second porte-bagages lequel n'avait rien d'un fauteuil confortable. Il était en fer grillagé et au bout de quelques centaines de mètres de parcours du vélo maternel, le siège me blessait singulièrement les cuisses.

Mais le problème de mon apprentissage de la bicyclette c'est que l'engin devait faire de l'usage et moi, j'étais trop petite : je pédalais donc rapidement en danseuse jusqu'au jour où j'entrais en collision avec une autre cycliste car les gens à bicyclette étaient nombreux dans ce temps-là. En l'occurrence, il s'agissait d'une vieille dame qui s'est relevée rapidement. Ma copine de classe, Janine P... me fit, pendant la récré, toute une explication avec dessin à l'appui pour me prouver que la mémé était en tort : elle devait avoir son code de route à elle mais moi, pour l'essentiel, j'étais rassurée. Nous étions, en tous cas, très complices, Janine et moi car, d'année en année, elle était ma voisine de classe. Nous avons appris à compter sous la houlette de la femme du directeur avec des bûchettes. Madame C......... avait, en effet, la charge d'éduquer les nombreux enfants du "baby boum" de l'après-guerre qui peuplait la "classe enfantine". L'épouse du directeur était très maternelle tandis que son mari était très craint.

Le Directeur, était comme tous les "dirlos" de cette époque, sévère mais beaucoup respecté. Il enseignait dans la classe du "certif". Mr et Mme G........ s'occupaient des classes intermédiaires. Avec ma copine Janine, nous avions peur du Directeur et nous n'osions pas l'approcher. Il a fallut qu'il vienne nous chercher chez Mr G....... lors du passage dans sa classe, le premier jour de la rentrée, nous n'avions vraiment pas envie de franchir la classe supérieure qui était la sienne. Avec le recul, je crois que derrière ses grosses lunettes et sa grande blouse grise, il se cachait beaucoup d'humanité.

Je me souviens d'un après-midi de 1954 où il nous avait fait vivre avec beaucoup de passion la première prospection pétrolière à Parentis-en-Born (Landes) que nous écoutions à la radio (le lendemain : rédaction garantie).

Un autre souvenir me revient : les premières leçons du matin commençaient toujours par de l'instruction civique et de la morale. Tout cela s'enchaînait sur une interrogation écrite que nous devions copier sur le dos d'un bulletin électoral (il en récupérait des quantités impressionnantes : économie de papier oblige...) Pour nous, il convenait de ne pas écrire trop gros car ces bulletins qui souvent ne comportait qu'un seul nom étaient donc petits. On nous enseignait beaucoup de valeurs morales, par exemple, lorsqu'un adulte franchissait la porte de la classe, il fallait se lever en silence et les garçons devaient aussi enlever leur béret systématiquement dès leur arrivée dans la salle.


Quand la cantine fut installée dans une salle située derrière le préau de l'école, fini les repas réchauffés dans une gamelle sur le poêle. Les élèves habitant assez loin de l'école commencèrent progressivement à l'utiliser. Ce n'était pas le "restaurant scolaire" avec self comme aujourd'hui. La cuisine n'était pas raffinée et la cuisinière non plus car elle finit par être renvoyée.
On n'était pas très "à cheval" sur l'hygiène mais il y eut quand même quelques laisser-aller. Je me  souviens surtout de ces pâtes grôssières sans beurre et sans fromage que l'on mangeait sans appétit. 

J'ai reçu lors de mon passage dans les classes enfantines, le  livre d'Alphonse Daudet de la chèvre de Monsieur Seguin. Je l'ai lu et relu de nombreuses fois et à chaque fois, le triste sort de la petite chèvre me faisait pleurer. J'ai gardé toute mon adolescence le goût de la lecture.


Promenade estivale à ANGERS, place Imbach, de toute la famille. Nous passions devant un de ces baraquements construits à la hâte à la fin de la seconde guerre mondiale pour loger les sinistrés des bombardements de la gare. Pour ce qui en est de celui de la photo, il devait s'agir d'un ferblantier.

LA DISTRIBUTION SOLENNELLE DES PRIX ET LES DIMANCHES DE SORGES


Enfin arrivait le grand jour de la distribution solennelle des prix qui avait lieu généralement le 1er ou le deuxième dimanche de Juillet. Un estrade décoré de branchages était dressé dans la cour de récréation des filles devant le préau également orné de drapeaux tricolores. La fête pouvait commencer : chants et danses étaient interprétés par les élèves devant le public composé des parents et amis de l'école installé sous les frais ombrages des tilleuls.


Scènette interprétée par la classe enfantine de la Directrice lors d'une distribution des prix en 1953, sur le thème du "chasseur qui visa le noir mais tua le pauvre canard blanc" - chanson canadienne du début des années 50.


Les prix d'excellence couronnaient les meilleurs élèves qui avaient droit à un beau livre rouge et or relié avec un certificat collé sur la première page. J'ai eu le prix d'excellence en cours élémentaire 2ème année dans la classe de Monsieur Gauduchon avec un prix d'orthographe, rédaction et lecture. Des élus de la commune des Ponts de Cé faisaient acte de présence assis au premier rang de l'assemblée accompagnés de leurs épouses souvent bien "chapeautées" mais l'atmosphère était "bon enfant" . A l'appel de nos noms, l'un des enseignants désigné à cette tâche distribuait les livres à ces personnalités ravies de les remettre ensuite aux élèves lauréats sous les applaudissements du public avec les félicitations d'usage et en les encourageant surtout à continuer à bien travailler. Mes parents étaient très fiers des récompenses que j'ai pu mériter. Les fêtes de distribution "solennelle" des prix m'ont laissé un goût de nostalgie : elles ne ressemblaient en rien aux fêtes de fin d'année scolaire que nous connaissons actuellement, elles avaient ce petit quelque chose de "solennelle" .





La première fête de distribution des prix pour mon frère, la seconde pour moi, au fond le logement du directeur de l’école.

Je me souviens d’une chanson que nous apprenait la Directrice dans les premières années de classes enfantines et que nous chantions avec ferveur :
Dansons le rigodon
1er couplet :
Le printemps qui charme la bergère,
Le printemps ne dure pas longtemps.
Les beaux jours amis ne durent guère
Les beaux jours mes frères sont bien courts.

2ème couplet :
Le printemps réjouit la bergère,
Le printemps met la bergère aux champs.
Aimable bergère, tu ne danses guère,
Le printemps est court, profite des beaux jours

3ème couplet :
Fraîches fleurs seront bientôt fanées,Fraîches fleurs vont perdre leurs couleurs.En passant, mesdames les années
En passant, fuyez d’un pas glissant.

Refrain :
R) Tirarirarire, il vaut mieux en rire, ) bis


De gros tilleuls abritaient les cours de récréation des filles et celle des garçons et avant les grandes vacances qui débutaient généralement au 14 Juillet, nous, les élèves étions chargées de cueillir avec délicatesse les fleurs de ces tilleuls sitôt que le maître d'école, perché sur une échelle, en eut détaché les branches.  Les fleurs étaient ensuite entassées dans des grands sacs de jutes pour être ensuite séchées. Nos cours de récréation embaumaient de ces fleurs de tilleul au début de chaque été et, avant les grandes vacances, les récrés de ces fins d'années scolaires resteront toujours dans la délicieuse odeur de miel qui se dégageaient des tilleuls.  

 

 

 

 LES DIMANCHES EN FAMILLE A LA PYRAMIDE


D'aussi loin que je m'en souvienne, une autre image me revient : le dimanche, mon père se plaçait devant le miroir accroché près de la fenêtre et c'était l'occasion de rire et de chanter en faisant mousser le savon à barbe. Il utilisait avec dextérité le rasoir après s'être confectionné une barbe bien moussante. Moi, je le regardais et m'en amusais. J'aime me rappeler ces moments de bonheur bien simple, ma foi.


Si pour certains le dimanche était la journée du Seigneur, nous on écoutait les chansonniers à la radio qui brocardaient gentiment les hommes politiques et ce n'était rien à côté des guignols de l'info de notre télé actuelle. 


Quand on écoutait la radio on se pressait inévitablement autour d'un vieux poste Ducretet Thomson des années 30 (mes parents l'avait acheté en 1937 pour connaître les nouvelles internationales qui n'étaient guère rassurantes à l'époque et surtout savoir si oui ou non, il allait être obligé de partir à la guerre ce qui était encore moins réjouissant...).  

Quand il y avait des parasites ou que le son n'était pas bon, mon père tapait dessus comme un sourd ce qui n'arrangeait pas forcément le son... Il écoutait la chronique politique de Geneviève Tabouis, les "Dernières nouvelles de demain" qu'elle entamait inévitablement par sa phrase fétiche "attendez-vous à savoir" relayée par des "et vous saurez...". Mon père adorait écouter Geneviève Tabouis et inutile de vous dire que nous les enfants on avait intérêt à se taire. Mes parents n'étaient pas plus autoritaires que les autres, pour l'époque, mais, par exemple, pas question de parler à table. Si nous deux nous chahutions, mon père qui, en semaine, ne se séparait jamais de son bérêt crasseux de la "carrière" durant les repas retirait prestement son couvre-chef qui atterrissait brutalement sur nos deux têtes avec.... la poussière d'ardoise en prime.

Pendant le repas dominical, nous avions droit à un menu un peu amélioré et, souvent, ma mère, pour le dessert ouvrait un bocal de fruits au sirop. Mais ô combien l'ouverture était laborieuse : le caoutchouc restait lamentablement collé au couvercle. Il fallait presque un marteau ou un burin pour ouvrir le satané bocal. Cela agaçait chaque fois prodigieusement ma mère et faisait rire mon père qui était obligé de s'arrêter de ... rire sinon ça finissait mal pour le bocal de pêches ou de poires au sirop.

"Après la pluie le beau temps" chantait Ray Ventura à la radio. Partout, "Ya d'la joie" et pendant que les amoureux se bécotent "sur les bancs publics", on sent chez le français moyen une frénésie d'amusement, de gaîté, de rire ... ses tickets alimentaires digérés, la France reprend goût à la vie, à la fête. Les bals de quartier, les assemblées se multiplient.

Dans les années cinquante, à la fin du printemps, a lieu chaque année à la Daguenière, un défilé très coloré de chars magnifiquement décorés de fleurs en papier avec groupes de musiciens accompagnés de l'harmonie locale. Le dernier char généralement décoré de fleurs blanches accueille la reine du village et ses demoiselles d'honneur acclamées par le public très nombreux sur le parcours car tous les habitants du secteur s'y retrouvent. On se déplace "à bicyclette", c'est une véritable procession de familles en vélo qui partent vers le village ligérien. Ces fêtes ont disparu depuis belle lurette....


Balade à ANGERS un certain dimanche, descendant la rue Baudrière toujours dans les années 50, ci-dessous :

 




































A LA VILLA NOTRE DAME A SAINT-GILLES-CROIX-DE-VIE





 

 
 
 

 
 
 
La villa Notre-Dame




En 1949, mes parents nous envoyèrent au sanatorium de Saint-Gilles-Croix-de-Vie tenu par la Congrégation de Saint-Charles sur ordre médical. Moi, je devais y rester deux mois, mon frère seulement un mois mais mes parents obtinrent que nous deux séjours soient ramenés à un mois et demi chacun afin que je ne reste pas seule après le départ de mon frère.

Ce fut la première séparation avec mes parents et nous sommes partis dans un véhicule conduit par des religieuses en cornette en direction de la Vendée. Je n'en ai pas gardé un souvenir exceptionnel, ni bon, ni mauvais mais par contre, je garde en mémoire le jour de notre arrivée. Nous étions regroupés dans le réfectoire qui faisait face à la mer et nous trouvions le paysage certainement grandiose. Nous nous tenions par la main, intimidés sûrement mais surtout émerveillés devant cette immensité. Le personnel qui nous surveillait souriait avec complaisance de nous voir ébahis devant le spectacle de la mer.

La villa "Notre Dame" était située en bordure immédiate de l'océan et notre terrain de jeux lorsqu'il faisait beau était la plage, une plage rien que pour nous. Mon frère et moi étions les deux plus jeunes pensionnaires. A droite de la photo se trouvaient des terrasses sur lesquelles des blessés étaient allongés, souvent plâtrés, quelquefois une jambe surélevée et cette vision m'impressionnait au début.

Je dormais dans une autre villa, la villa "Sainte-Marie" avec quelques autres filles et mon frère dormait à la villa "Les flots", deux anciennes résidences qui donnaient directement sur la mer. 
 
Un jour, après un mois et demi dans cet univers, nos parents sont venus nous chercher par le train ; maman découvrait la mer également pour la première fois. Avant le départ, ils nous emmenèrent voir le "Trou du Diable" sur la commune voisine de Saint-Hilaire-de-Riez. Il s'agit d'un site naturel au milieu des rochers, une sorte de trou énorme creusé par la mer et assez impressionnant par marée haute. Puis, tout à coup, mon frère (ou moi  peut-être ...) bref, l'un d'entre nous a glissé malencontreusement près de l'endroit et mes parents ont eu une grosse frayeur. Rapidement, on a dû rebrousser chemin. 
 
Le lendemain nous repartîmes, en famille, retrouver notre cadre habituel.    
 







VOYAGE EN TRAIN DIRECTION INGRANDES SUR LOIRE



Si dans nos premières années, nos parents ne nous emmenèrent pas en vacances, nous rendions visite, de temps en temps, à mes tantes, sœurs de ma mère qui habitaient dans la région de Varades, près d'Ancenis. Je n'avais que trois ou quatre ans mais j'ai encore plein de flashs de ces moments-là. Nous allions le plus souvent voir ma tante Germaine qui avait une ferme près du bois d'Ardennes à la Chapelle-Saint-Sauveur, dans la Loire Inférieure, à la limite du département du Maine-et-Loire. 

Ingrandes sur Loire : La Loire

C'était une aventure car nous prenions le train à la Gare Saint-Laud qui n'avait pas le même visage qu'aujourd'hui car les bâtiments de la gare avaient été bombardés en 1944. C'était un train qui faisait omnibus jusqu'à la gare d'Ingrandes-sur-Loire : il était plein de voyageurs et de victuailles. On s'installait sur les banquettes non sans avoir monté les bagages dans les filets et là on observait tout le paysage ligérien qui défilait à travers les volutes de fumée de la locomotive à vapeur et on arrivait à Ingrandes-sur-Loire dans un grincement de roues. Déjà, en sortant de la gare, on entendait le claquement de fouet de mon oncle qui arrivait tout aussi bruyamment en carriole. Mes parents s'asseyaient auprès de mon oncle qui conduisait l'attelage ; nous, les enfants de chaque côté de la carriole à l'arrière et "En voiture, Simone !". Nous prenions ainsi la direction de la ferme des Brosses en traversant le carrefour de la Riottière qui était beaucoup moins passager que de nos jours.
 
La carriole du dernier voyage

Le dimanche, aux Brosses, on allait à la messe, ma tante étant très pieuse, c'était obligatoire. Il y avait encore la séparation des sexes : les hommes à gauche, les femmes à droite. Il y avait deux messes le dimanche matin à cette époque alors qu'aujourd'hui les fidèles ne remplissent même pas l'église pour une seule messe pour quatre paroisses (dans le village où je réside actuellement depuis 30 ans - un des départements voisins du 49 et traversé par la rivière du même nom, il n'y a qu'une seule messe le dimanche pour quatre paroisses c'est-à-dire quatre patelins du genre cités-dortoirs).

Les cantiques en latin, le parfum de l'encens, la procession des rameaux furent mes premiers contacts avec la religion catholique. Quand nous entrions à l'église, mes cousines et moi, la tête recouverte d'un fichu encore obligatoire, si nous osions sourire ou parler un peu fort, tour à tour des visages sévères se portaient sur nous.

Ma mère allait à la messe quand il s'agissait de messe d'enterrement car elle n'aimait pas à s'afficher dans le clan de "la calote" mais elle veilla à ce que l'on suive le catéchisme et fasse notre communion ainsi que la confirmation. Mon père était un véritable païen, comme beaucoup de perreyeurs il avait une grande méfiance à l'égard de l'église qu'il suspectait de vivre aux dépens et surtout d'abuser de la crédulité de ses paroissiens.

Nous allions à la Toussaint au cimetière de la Chapelle sur la tombe de ma grand-mère maternelle Marie Sécher qui était aussi ma marraine. Je me souviens être allée lui rendre visite une seule fois alors qu'elle était alitée dans sa ferme. Elle est morte d'une leucémie en Septembre 1949. Je revois un flash : nous allions à l'enterrement de ma grand-mère tous en carriole et les femmes avaient le visage caché par des voiles de deuil. Ces voiles qui étaient attachés au chapeau par un jeu d'épingle leur couvraient le visage et descendaient jusqu'au buste accentuaient cet aspect lugubre des enterrements d'autrefois. Au cimetière, toute la famille était alignée devant le portail d'entrée pour recevoir les condoléances de tous ceux qui étaient présents et là les femmes dont ma mère consentaient à relever leur voile car souvent c'était de longues embrassades.








Ma grand-mère, Marie LHERIAU
née en 1886, épouse de Jean SECHER décédée dans sa ferme à la CHAPELLE SAINT SAUVEUR à l'âge de 63 ans. Elle était aussi ma marraine mais malheureusement je ne l'ai que trop peu connue. Elle a eu une vie de labeur comme celle de tous les paysans au début du siècle dernier.