vendredi 4 juillet 2008

LES VIEILLES BOUTIQUES DE LA PYRAMIDE



"Au bon vieux temps"

Dans la rue qui s'en va vers Saumur, on y croise des vélos, des charrettes et quelques autos. Au milieu de cette rue, il y avait un café. On entrait dans cet estaminet par des marches qui donnaient dans une grande salle au mobilier très sobre. Au milieu trônait un poêle encadré de tables rustiques sur un sol de vieux parquet. Cet endroit était la halte obligée quand on accompagnait mes grands-parents au "tram" pour qu'ils s'en retournent à Angers prendre le car "Citron" pour Bel-Air-de-Combrée. En effet, à l'embranchement de cette rue Camille Perdriau avec les rues qui viennent d'Angers et celle qui va au bourg de Trélazé existe une place où se trouvait la station du tramway qui allait vers Angers. Cette place porte une pyramide (monument très laid - excusez du peu mais décidément là c'est incontestable) - bref cela ressemblerait parait-il à une pyramide d'où son nom, pyramide érigée par Napoléon III suite à de graves crues de l'Authion et de la Loire. Napoléon III fit construire les levées le long de la Loire entre Saumur et Angers et l'une d'entre-elles porte d'ailleurs le nom de "Levée de Napoléon".
 
Sur cette place s'y côtoyaient les passagers qui attendaient ou descendaient du tramway ainsi que des charrettes, des carrioles et surtout des chevaux car derrière la pyramide il y avait la boutique d'un bourrelier-sellier ainsi qu'un atelier de maréchal-ferrand. La boutique était éclairée d'une fenêtre dont on devait négliger les carreaux mais derrière les vitres on devinait un étalage de pièces diverses de harnais et de toutes sortes de courroies en cuir.



La place de la Pyramide avec la halte du tramway au début du siècle dernier.


Quand je prenais le tramway pour Angers, j'observais la poinçonneuse de tickets qui était aussi un personnage haut en couleurs mais elle n'était pas la "poinçonneuse des Lilas" car elle était sale et le sac en cuir où elle conservait ses billets était aussi crasseux que sa propriétaire.

J'accompagnais aussi ma mère quand elle allait à la succursale des Postes et Télégraphes pour "garnir les livrets". Au début de l'année, nous faisions le même voyage pour "arrêter" les livrets, c'est-à-dire ajouter les intérêts. On entrait dans la salle d'attente à l'aspect monastique, une pièce nue aux murs sombres. Ensuite, on passait devant le bureau du caissier. Je revois ce monsieur derrière son grillage : le type parfait du rond-de-cuir cher à Courteline. Il portait sur le livret le montant de la somme déposée en chiffres et en lettres d'une calligraphie parfaite.

Je me souviens de cette charmante vieille mercière avec sa voix chantante. Elle portait toujours un corsage de couleur noir avec un jabot en dentelle. C'était un plaisir de la voir déballer toute sa marchandise avec une de ces délicatesses... tout sortait des tiroirs comme par enchantement. Il y avait tant de choses à voir et à toucher comme les rubans, les boutons, les dentelles, les patrons, les craies à bâtir, les fils à coudre, à broder, les épingles, les galons, les canevas, les ciseaux... Quand elle conseillait sa clientèle, il fallait l'écouter parler et vanter sa marchandise. Elle s'affairait ainsi au milieu d'un tas de dentelles et de fanfreluches avec son babillage charmant dans une atmosphère de clair-obscur toute imprégnée de son art : cette délicate profession de mercière, un savoir-faire à jamais disparu et tout cela contribuait à créer ce quelque chose d'intemporel dont le souvenir nostalgique ne m'a jamais quitté.

Je me souviens très bien aussi du magasin de l'herboriste où ma mère m'envoyait faire remplir un flacon d'eau de Cologne de Chypre : son parfum préféré. Il y avait des bocaux en verre partout : tout était impeccablement rangé et l'herboriste était quant à lui toujours impeccablement habillé d'une blouse blanche. Dans la vitrine aussi s'alignaient des bocaux d'eau de Cologne en verre de divers parfums : on aurait dit l'arc en ciel. Il y avait dans la boutique des petits sachets de graines de fleurs qu'il transvasait dans des pochons en papier pour sa clientèle. Il y avait aussi les grands sacs en toile de jute dont il sortait le contenu avec sa petite pelle en cuivre. 

Dès que l'on franchissait la porte d'entrée, on était assailli par toutes ces quantités d'effluves de senteurs diverses, mais où perçaient cependant les odeurs d'eau de Cologne au jasmin, au lilas et de Chypre.





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