vendredi 4 juillet 2008

AU 14 DE LA RUE CAMILLE PERDRIAU




Je fis mes premiers pas (comme tout le monde) dans un trotteur au milieu de la cour du 14 rue Camille Perdriau, surveillée par les voisins et ma mère depuis sa fenêtre...


































 
 
 
Nous avons donc passé, mon frère et moi, nos premières années à Sorges, un petit village traversé par l'Authion et dépendant des Ponts de Cé, au 14 de la rue Camille Perdriau qui se situait, en fait, au début de la route de Saumur après le carrefour de la Pyramide à Trélazé, en venant d'Angers. Camille Perdriau (*) : cette rue portait le nom d'un des enfants de Sorges qui fut résistant dès les premières heures de la guerre. Arrêté à Bordeaux en possession d'armes alors qu'il voulait passer en Espagne, il fut ensuite interné au fort du Hâ puis fusillé au camp de Souge. Il n'avait que vingt ans et mon père avec qui il était entré plusieurs fois en discussion avec lui avant-guerre (ils étaient tous deux fendeurs-ardoisiers à Trélazé), m'avait confié, un jour, qu'il avait essayé vainement, devant ses sentiments anti-allemands et son ardeur impétueuse, de calmer sa fougue, fougue de sa jeunesse et toute à son honneur... fallait-il en avoir une somme de courage pour oser dire "non" devant les envahisseurs ! N'a-t-il pas fallu une espérance chevillée au corps pour lui et cette poignée de français qui, dès 1940, ont choisi de poursuivre la lutte contre l'occupant ? 

(*) Régine Desforges parle de Camille Perdriau dans le deuxième volume de sa grande fresque romanesque qui se déroule entre1939 et 1945 et qui avait commencé avec "La bicyclette bleue". Elle en parle en deuxième page du prologue de son roman "101 avenue Henri-Martin" concernant le Fort du Hâ où Camille était incarcéré :

" Dans une autre cellule du rez-de-chaussée, Albert Dupeyron" réconfortait Camille Perdriau qui n'avait que vingt ans. Cela lui évitait de trop penser à sa jeune femme ..." 

Sa mère, Madame Perdriau, fût à l'école ma première "assistante maternelle" et ô combien elle me maternait, moi qui aie commencé l'école à l'âge de deux ans. Elle me faisait manger à l'heure du repas de midi, alors que la cantine n'existait pas encore, une espèce de soupe au chocolat que ma mère me préparait dans une gamelle en fer blanc après l'avoir fait réchauffée au préalable sur le poêle Godin.

Mais, voilà que je m'égare, revenons à nos moutons ou plutôt, revenons au 14 de la rue Camille Perdriau où mes parents logeaient dans deux pièces d'un petit immeuble collectif. C'était une grande maison très laide - peut être restée encore plus hideuse dans ma mémoire enfantine - mais les murs étaient gris, tristes, bref sans aucun cachet. Je revois sans attendrissement, mais néanmoins avec une certaine précision cette maison où mon enfance s'écoula.
 
Nous pénétrions dans cette grande bâtisse austère par deux couloirs totalement indépendants, mais tout aussi austères et qui donnaient sur une cour commune. Nous accédions à notre deux-pièces situé au rez-de-chaussée par un des deux couloirs. Un escalier obscur s'élevait à gauche de notre porte d'entrée pour accéder au 1er étage où se trouvaient deux autres logements en vis-à-vis dont l'un était celui de notre couturière, son mari et son fils. Au deuxième étage se trouvaient les greniers où maman étendait son linge avec celui des autres locataires. 

Dans les logements desservis par l'autre couloir se trouvait au rez-de-chaussée une femme seule à qui ma mère nous confiait parfois lorsqu'elle s'absentait. Madame D... qui habitait donc au rez-de-chaussée était une vieille femme, je la trouvais vieille, mais l'était-elle réellement ? Pour un enfant, l'âge est bien relatif, mais si je ne me souviens plus de son visage, je me souviens de son intérieur, car il y avait des tapis partout. Il y en avait un notamment sous la table et pour protéger le tapis des pieds de table, elle mettait des sous-pieds en verre. C'est en souvenir de cette vieille dame que j'ai acheté, un jour, des sous-pieds en verre dans une brocante.

On entrait alors directement dans notre deux-pièces par la cuisine dont le mobilier était très sobre. La fenêtre de cette pièce donnait sur la cour au fond de laquelle s'alignait la rangée des portes des "cabinets*" ainsi, la vue était-elle sympa... La fenêtre s'ouvrait également sur l'entrée de la porte de la buanderie commune par laquelle nous entendions "Radio Buanderie". Sur le rebord de cette fenêtre comme de celle de Madame D... s'étiolaient des géraniums rabougris. L'unique chambre donnait sur la rue dont la fenêtre était plus vaste donc la pièce mieux éclairée. Maman s'installait souvent le dimanche près de la fenêtre, un tricot sur les genoux, elle regardait le défilé des passants. 

Dans la cour, se trouvait pareillement une petite maisonnette de deux pièces où vivaient un couple de braves gens et leur cinq enfants dont les deux derniers, Jean-Paul et Jacqueline étaient nos compagnons de jeux. En vis-à-vis de notre logement se trouvaient deux pièces où dormaient les quatre garçons de cette famille. Il régnait de ce fait, dans une évidente promiscuité, une certaine communauté une grande solidarité et convivialité. Tel était l'univers de mon enfance : il serait surtout inconfortable pour nos contemporains, mais nous ne nous en apercevions pas et nous étions heureux.



La " fosse" de Sorges.
 
Le bourg de Sorges qui est en fait un hameau des Ponts-de-Cé est situé à un kilomètre de cette rue Camille Perdriau laquelle est en somme plus proche du carrefour de la Pyramide, donc de Trélazé que du bourg des Ponts-de-Cé.

Tour à tour, au fil des siècles, les Ponts-de-Cé, position stratégique sur la Loire, a toujours été le cadre d'affrontements entre Français et anglais, catholiques et protestants puis, après la Révolution, entre vendéens et républicains. Elle a vu bien des malheurs notamment au moment de l'exode en juin 1940. L'épisode le plus dramatique fut lors du passage de l'armée de Charles IX au cours duquel l'un des chefs, pour se débarrasser des filles de mauvaise vie qu'elle traînait à sa suite, fit jeter plus de huit cents d'entre elles dans la Loire où elles se noyèrent.  

 
 Le bourg de Sorges, hameau des Ponts-de-Cé.


Le petit hameau de Sorges a eu une histoire assez riche. En 1579, le temple protestant de la ville d'Angers s'y était installé, mais aujourd'hui, il ne reste plus rien que sa cour dite du "prêche" car ce temple fut détruit lors de la révocation de l'Édit de Nantes. 
 
Parmi d'autres grands moments historiques eurent lieu les combats entre les armées du jeune roi Louis XIII et celle de sa mère Marie de Médicis dans les prés de Sorges en août 1620. Au bout de trois jours, la paix sera négociée par Richelieu aux Ponts de Cé.



Le Bourg de Sorges et la rue se rendant à l'école, au fond celle qui se rend à la Pyramide



En 1661, Louis XIV se rendant de Saumur à Angers s'arrêtera à Sorges pour y dîner dans une ferme-auberge car à cette époque là, la route entre Angers et Saumur passait par Sorges et il fallait un bac pour traverser l'Authion.
A la révolution en 1790, Sorges devient une commune mais un an plus tard revient à la commune de Trélazé et son rattachement définitif à la commune des Ponts-de-Cé revient en 1796. En ce qui concerne la période de ma tendre enfance, je n'en ai pas gardé beaucoup de souvenirs précis sinon des "flash" et à travers ces "flash", je peux dire qu'elle a été heureuse.
* cabinets = toilettes, wc



Mon frère et moi nous posions pour le photographe devant le jardin du mail à ANGERS.








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